Loin d’être un concept nouveau, le revenu de base revient de plus en plus régulièrement sur le devant de la scène. Si pour vous c’est un peu flou, continuez donc à lire, je vais tâcher de rendre tout ça intelligible.
J’ai découvert le concept du revenu universel en 2013 lors de l’initiative citoyenne européenne pour le revenu de base. Quand j’en parlais autour de moi, on me regardait avec de grands yeux ronds. Pourtant, elle avait enregistré 300 000 signatures à travers l’Europe, dont 54 000 en France. Depuis, l’idée a fait du chemin. Benoît Hamon a amené le sujet lors des dernières élections présidentielles françaises. Un débat a également eu lieu à l’Assemblée nationale en 2019 (sans issue positive malheureusement).
En France, le Mouvement Français pour un Revenu de Base (MFRB) s’est donné pour mission de promouvoir le concept. Leur site est une vraie mine d’or pour bien comprendre les tenants et les aboutissants du revenu de base. Si cette introduction vous plaît, n’hésitez pas à vous baser sur leurs travaux pour en apprendre davantage.
Alors le revenu de base, qu’est-ce que c’est ?
Le revenu de base est un droit inaliénable, inconditionnel, cumulable avec d’autres revenus, distribué par une communauté politique à tous ses membres, de la naissance à la mort, sur base individuelle, sans contrôle des ressources ni exigence de contrepartie, dont le montant et le financement sont ajustés démocratiquement.
Cette définition posée, décortiquons et analysons chaque mot.
- Un droit vous reconnaît la faculté de profiter de quelque chose, ici du revenu de base;
- Inaliénable c’est à dire qu’il sera attaché à votre personne et ne pourra pas être cédé à quelqu’un d’autre ;
- Inconditionnel car il ne sera soumis à aucune condition d’emploi, de revenu ou de composition du foyer ;
- Cumulable avec d’autres revenus, notamment liés à l’emploi ;
- Individuel puisqu’il sera versé à chaque membre d’un foyer sans considération de ce que touche le reste de la famille.
Ce revenu de base sera évidemment financé par l’Etat et versé à tous les citoyens donc.
Mais concrètement, comment ça marche ?
Aujourd’hui, plusieurs hypothèses de montant circulent, de 200 à 1 000 €. Sur son site, le MFRB développe l’hypothèse d’un revenu mensuel à 465 € par adulte. De nombreux financements sont envisagés : impôt sur le revenu, taxe sur les profits, impôt sur le patrimoine, taxe sur la consommation…Mais il est vrai que l’instauration d’un revenu de base aurait malgré tout un impact sur le budget de l’Etat. Mais les effets produits sur la société n’en valent-ils pas la chandelle ?
En pratique, le revenu de base remplacerait plusieurs aides déjà existantes mais aujourd’hui inadaptées ou inéquitables :
- les allocations familiales et autres aides destinées aux enfants : héritage de l’après-guerre destiné à relancer la natalité, elles sont aujourd’hui inégalitaires puisque conditionnées au nombre d’enfants. En matière d’aide, tous les enfants n’ont pas la même valeur. Le revenu de base accorderait une part égale à chacun des enfants du foyer ;
- RSA et prime d’activité : aujourd’hui destinées aux personnes avec pas ou peu de revenus, ces aides sont ce qu’on appelle conjugalisées. C’est à dire qu’elles diminuent si elles concernent un couple (1+1 fait souvent 1,5 et non 2). Un revenu de base augmenterait donc le revenu disponible des personnes éloignées de l’emploi ou aux petits salaires ;
- les aides au logement : loin d’avoir allégé les budgets des familles concernées, les aides au logement ont surtout incité les propriétaires a augmenter les loyers, la différence étant à la charge directe de la CAF ;
- les subventions à l’emploi (exonération de cotisations patronales, crédit d’impôt compétitivité).
Vous constatez que de nombreux économistes se sont penchés sur le sujet et ont trouvé des pistes crédibles à la fois en matière de financement mais aussi sur l’insertion du dispositif dans les aides existantes. Vous noterez aussi qu’il n’est ici pas question de supprimer la Sécurité Sociale liée à la maladie, le handicap et la vieillesse. Idem les retraites restent considérées comme un revenu lié à l’emploi et non comme une aide visant à réduire la pauvreté.
Pourquoi le revenu de base est un concept intéressant ?
Eradiquer la grande pauvreté
« Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille ». Cette citation est tirée de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme, article 25. Pourtant, en France, 14% de la population vit aujourd’hui sous le seuil de pauvreté.
La pauvreté est un drame qui a de lourdes conséquences (santé, vie sociale, conditions matérielles) et qui ne touche pas que les personnes sans emploi (#cassonslesclichés!)
Individuel, immédiat et inconditionnel, le revenu de base permettrait de toucher tout le monde et sans besoin de démarches administratives complexes et d’assurer un minimum vital à chacun.
Réinterroger le concept travail
Le revenu de base interroge profondément notre relation au travail, et le concept même du travail d’ailleurs. Punition infligée à Adam et Eve, le travail est tiré du latin tripalium, un instrument destiné à la torture. Bref, présenté comme ça, le boulot c’est pas la joie ! Entre chômage de masse et bullshit jobs, on ne peut pas dire que la majorité des gens s’épanouisse dans le travail.
En allégeant la pression financière, le revenu de base rompt la dépendance au travail et permet de rééquilibrer le rapport de force entre employeur et employé. Les conditions de travail pourront ainsi être améliorés et les entrepreneurs dans l’âme auront plus de facilité à se lancer.
Le temps complet pourrait aussi ne plus être la panacée. Avec un revenu complémentaire à vie, ne pourrait-on pas choisir de travailler moins pour dépenser son temps autrement ? Etre utile à la société peut, en effet, se faire de mille façons : bénévolat, soutien de famille, création artistique…
Favoriser l’émancipation des jeunes et des femmes
La conjugalisation de l’impôt actuel ou des aides comme le RSA, couplée au fait qu’aujourd’hui encore les femmes gagnent généralement moins que les hommes, crée une certaine dépendance des femmes au revenu de leur conjoint. Le caractère individuel du revenu de base tendrait à gommer cet effet.
Par ailleurs, le travail ménager obtiendrait une certaine reconnaissance sociale, incitant peut-être les hommes à travailler pour une meilleure répartition des tâches ménagères.
Enfin, le revenu de base permettrait aux femmes, en leur offrant un revenu minimum, d’augmenter leur pouvoir de négociation auprès des employeurs. En diminuant la crainte du licenciement, le revenu de base libèrerait également la dénonciation des comportements sexistes dans le milieu professionnel.
Du côté des jeunes, l’instauration d’un revenu de base créerait un socle minimum leur permettant de se consacrer pleinement à leurs études mettant fin à une précarité étudiante aujourd’hui préoccupante. Grâce à leur revenu, ils ne renonceraient plus à des études trop chères pour être financées par leur famille.
Stopper l’obsession de la croissance et faciliter la transition écologique
De nombreux politiques cherchent toujours à rétablir le plein emploi. Pourquoi ? Pour que chacun puisse consommer encourageant ainsi le retour de la croissance. Croissance qui rétablira le plein emploi. C’est ce qu’on appelle un cercle vicieux.
Plus que la croissance, il faut aujourd’hui réinterroger nos besoins sociétaux : le respect démocratique, le bien-être social, l’équilibre écologique, la santé des populations…
Cette remise en cause de la croissance (et donc de la surconsommation) entrainerait, j’en suis convaincue, un changement dans nos modes de consommation notamment en facilitant l’achat en local et le réemploi.
J’ai bien conscience que cet article est plus complexe que ce que j’ai écrit jusqu’à présent et que c’est peut-être une notion nouvelle pour vous. N’hésitez pas, du coup, à écrire vos ressentis, vos avis pour que nous nourrissions notre vision de ce concept ensemble.
Bonjour. Lire à ce propos l’excellent ouvrage de Benoît HAMON : « Ce qu’il faut de courage » , Plaidoyer pour le revenu universel.
18€ éditions Equateurs paru en octobre 2020
Françoise
J’avais suivi sa campagne avec attention mais j’avoue ne pas avoir lu son livre. Merci pour l’information
C’est un concept vraiment très intéressant !
Oui je trouve aussi 🙂
J’avoue que j’en avais vaguement entendu parler…mais sans plus. Si je comprend bien ce revenu de base serait en remplacement des aides de la CAF, le RSA, l’APL…et pour tous? C’est intéressant et ça fait rêver.
Mais, je me demande toujours quel serait la proportion d’hommes/femmes qui utiliseraient « intelligemment » ce revenu de base c’est-à-dire sans en profiter pour se la couler douce dans son canapé avec la zapette entre les mains. Je suis peut-être trop pessimiste…
C’est la grande question ! Mais si tout le monde se pose la même question, c’est peut-être que finalement, personne n’a vraiment envie de tout plaquer pour se la couler douce sur le canapé ?!
Merci pour toutes ces explications, cela permet d’y voir un peu plus clair.
Avec plaisir ! C’est un concept parfois difficile à cerner donc tant mieux si c’est plus compréhensible maintenant !
Cela est très intéressant, ça me paraît compliqué à mettre en place avec nos politiques actuelles.
Émilie présidente ! c’est un bon slogan, hihi .
J’y compte bien ! ^^
Mais pas en 2022, je suis trop occupée!