Figure emblématique de l’éco-féminisme, Vandana Shiva, ne vous est certainement pas inconnue. À l’approche de la journée des droits des femmes, elle méritait bien un (énième) article présentant son parcours.
Comme chaque année depuis la naissance de ce blog, il me tient à coeur de vous partager le destin d’une femme qui joue ou a joué un rôle déterminant en matière d’écologie. Vous pouvez d’ailleurs retrouvez le portrait de Rachel Carson, auteure du Printemps silencieux, ici et celui de Wangari Muta Maathai, connue pour son combat contre la déforestation en Afrique, là.
Cette année, mon choix s’est porté sur Vandana Shiva dont j’ai découvert le parcours dans deux documentaires qui ont marqué ma réflexion personnelle : Solutions locales pour un désordre global de Coline Serreau et Demain de Cyril Dion et Mélanie Laurent.
Enfance, études et premiers engagements
Née au pied de l’Himalaya le 5 novembre 1952, Vandana Shiva grandit au contact de la nature grâce à son père, garde forestier. Elle est entourée de personnes aux convictions marquées qui pose les bases de ses propres combats. Sa mère d’abord, une réfugiée pakistanaise, est une partisane de l’autosuffisance alimentaire. Son grand-père paternel, ensuite, qui, en luttant pour l’éducation des filles en Inde, perdra la vie suite à une jeûne de protestation.
Jeune adulte, elle obtient successivement une licence puis un master de physique en Inde avant de s’envoler pour le Canada où elle poursuit ses études en philosophie des sciences jusqu’à obtenir un doctorat en 1978.
Avant de quitter l’Inde, elle s’investit dans le mouvement Chipko, un mouvement visant à lutter contre la déforestation en Inde. Aux côtés d’autres femmes des villages alentour, Vandana Shiva enlace des arbres menacés de coupe et résiste ainsi face aux sociétés envoyées par l’État indien.
Dans les années 80, elle est également très active dans le Narmada Bachao Andolan, un mouvement qui s’oppose à la construction de barrages sur la rivière Narmadâ, dans le centre de l’Inde.
Vandana Shiva fonde Navdanya
Depuis les années 60, l’Inde est en plein dans ce qu’on appelle la Révolution Verte. Pour augmenter sa productivité agricole et ainsi nourrir tout le monde, l’Inde calque son modèle sur celui des Occidentaux. Si celle-ci n’a pas que des inconvénients (électrification des campagne, développement des industries chimiques locales créant de nombreux emplois, autosuffisance dès les années 2000 pour le pays…), il n’en reste pas moins qu’elle a un impact désastreux sur l’environnement (effondrement de la biodiversité, pollution liée aux engrais, salinisation des sols) et une partie de la société agricole. Endettés par les achats d’engrais, de pesticides et de semences, de nombreux paysans se suicident quotidiennement.
En 1984, Vandana Shiva, lance un programme de recherche baptisé Navdanya, « neuf graines », qui étudie notamment l’impact des OGM en Inde ainsi que les différentes semences qui permettrait au pays d’atteindre une réelle autonomie alimentaire.
Le programme devient une ONG en 1991 et se mobilise autour des petits paysans et en particulier des femmes. L’objectif est de les former à l’agriculture biologique pour sortir de la spirale d’achat d’engrais et de pesticides imposée par les multinationales. L’association leur apprend également à conserver, reproduire et échanger entre eux les semences locales, adaptées au climat et aux terres.
En parallèle, Vandana Shiva se mobilise également contre plusieurs géants de l’agroalimentaire et notamment Monsanto, ses OGM et ses pesticides. Elle lutte également contre Coca-Cola qu’elle accuse d’avoir asséché les nappes phréatiques indiennes allant jusqu’à obtenir la fermeture d’une usine en 2004.
Pourquoi écoféministe ?
Depuis ses débuts militants, Vandana Shiva a considéré la femme comme le coeur des combats écologiques.
« Faut-il que les femmes tentent de rattraper les hommes dans la violence, la domination, ou au contraire que les hommes rejoignent les femmes dans leur combat pour protéger la terre, élever les enfants et défendre la paix ? »
Sensibilisée dès le plus jeune âge par son grand-père, elle pose les femmes comme défenseuses de la biodiversité et de la paix. Écoféministe, elle considère qu’il existe des similitudes entre l’oppression des femmes par les hommes et la surexploitation de la nature par les humains. L’écologie nécessiterait donc de repenser à la fois les relations entre les humains en même temps qu’entre les humains et la nature.
Une figure publique néanmoins controversée
Comme beaucoup de personnages publics, Vandana Shiva est régulièrement la cible de critiques. On lui reproche ses approximations scientifiques et son parcours scolaire plus philosophique que scientifique, ses salaires honteusement élevés quand elle donne des conférences aux quatre coins du globe ou encore sa vision passéiste du rôle des femmes dans la société et le foyer.
Néanmoins, il reste certain que Vandana Shiva a fait bougé les lignes de l’agriculture indienne et le rapport que nous entretenons avec les semences agricoles, y compris en Occident.